6/10/2007

Libération

Je devais aller chercher des raisins et du yogourt à l'épicerie. J'ai mis mes lunettes fumées sur mon nez et c'est à ce moment que j'ai remarqué combien elles étaient sales. Elles sont toujours sales. Mais aujourd'hui, c'était bien pire. Et puis je me suis souvenu...

Elles sont sales parce que j'ai pleuré alors que je les avais devant les yeux. J'ai pas mal pleuré. Beaucoup. Hier, c'était les funérailles de ma grand-mère, la mère de ma mère, décédée la semaine passée...

J'ai trouvé ça assez dur. Ça avait été dur aussi de la voir sur son lit de mort, la semaine passée, en train de dire péniblement "Je m'en vas. Maman, là, je m'en vas." D'essayer de lever les bras vers chaque personne qui allait la visiter. Et de les laisser tomber lourdement sur son lit.

Pour en revenir aux funérailles, je m'en souviens comme si c'était hier (peut-être parce que, justement, c'était hier...). Avant de mourir, Grand-Maman m'avait demandé de lui préparer un hommage pour ses funérailles. Ça m'a flatté. Dans le sens du poil, à part ça. Je trouvais ça cool, qu'elle m'ait choisi, moi. Quand même, c'est tout un honneur. Mais ça m'énervait aussi.

J'ai pris quelques heures pour le composer, cet hommage. J'ai étalé ça sur une semaine, celle entre sa mort et ses funérailles. Et puis je l'ai lu hier matin. Un peu moins de deux pages. Cinq minutes pour le lire, sans trop sangloter. Et des centaines de personnes qui pleurent et qui m'applaudissent. J'ai pris mon temps. La fin a été vraiment plus pénible.

Je ne le publierai pas ici : c'est trop personnel. Mais juste vous dire que j'étais vraiment fier de moi. C'était fou de voir les gens, après, que je connaissais ou que je ne connaissais pas, venir me voir pour me dire que c'était très bien, ce que j'avais fait. Et ça, c'est sans compter les personnes qui en ont parlé à ma mère, mon père et mon frère. Même que plusieurs sont allés voir mon frère, plutôt que moi, pour le féliciter. Je les comprends : on se ressemble beaucoup et on portait les mêmes vêtements, à une teinte près.

Après avoir lu mon texte, je suis allé me rasseoir sur le banc d'église et j'ai versé plusieurs larmes. Ils ont arrosé le cercueil d'eau bénite, puis c'était la fin. Le cercueil d'abord. Ensuite les deux cierges et la croix, portés par mon frère et deux de mes cousins. Ont suivi tous les petits-enfants de Grand-Maman, dont moi. En parcourant l'allée centrale de l'église, marchant vers la sortie, mon oncle Réjean, les yeux remplis d'eau, a mis sa main sur mon épaule. Et c'est là que j'ai vu l'impact de mon discours. Je savais que je l'avais bien rendu. Mais je ne pensais pas avoir ému tant de gens. Tout en continuant de marcher, j'ai vu Caroline, ma soeur. Je lui ai tendu ma main. J'avais besoin de ne pas me sentir seul. Elle l'a prise quelques secondes et l'a lâchée. Même scénario avec un autre oncle, du côté de mon père celui-là, qui se tenait juste derrière.

À la sortie, le préposé du prêtre pour la cérémonie m'a dit : "Félicitations! C'était merveilleux!". J'ai balbutié un merci très peu discernable.

Tout le long du transport du cercueil jusqu'au cimetière, il y avait mes cousines, plus jeunes que moi, qui pleuraient. Elles pleuraient beaucoup et bruyamment. Je pouvais clairement entendre leurs respirations haletantes. J'avais juste le goût de tout arrêter. De crier un gros "Stop!" et d'aller les consoler pendant un moment, le temps qu'elles s'en remettent un peu.

Mais il faut pleurer. Ça fait sortir le méchant. Et ça libère.

Une fois dehors, je suis allé rejoindre mes parents. J'ai pris le bras de ma mère. Ça m'a fait du bien. J'ai senti une grande solidarité. Je me suis retourné et plusieurs familles avaient fait la même chose. À côté de moi, ma petite cousine était collée à son père. Ses deux bras l'entouraient tendrement. On s'est finalement rendus jusqu'au cimetière, où le prêtre, neveu de Grand-Maman, a prononcé les dernières prières.

C'est donc une grande libération que j'ai sentie hier soir, en arrivant à la maison. C'était fait. Un hommage à la hauteur, je crois bien. Et bien livré.

Aussitôt, je suis allé arroser mon cactus, dans ma chambre. Il est pas mal gros. Facilement deux pieds de haut. Et ce cactus m'a fait prendre conscience que la vie continue... elle est belle et il faut la vivre...

Merci, Grand-Maman Luce, de m'avoir permis de te dire adieu de façon si exceptionnelle.

Maintenant, repose en paix. Et bon voyage!

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Oh mon dieu tu t'aimes tellement que c'est effrayant... Méchant titre de blog «Je craque pour moi».. je te lis depuis peu et vraiment tu fais dur...Oublie cela, je ne lirai plus ton blogue et je ne le recommande à personne...